Loi de finance de la sécurité sociale :

Loi de finance de la Sécurité Sociale 2016, DÉCRET DU 30/12/15 ET QUESTIONS/RÉPONSES DSS : Comment les méandres de la loi.

 

LE « QUESTIONS/RÉPONSES » DSS DU 29 DÉCEMBRE 2015

 

Troisième et dernière partie du triptyque consacré à la réforme de fin d'année 2015 sur la complémentaire santé.

Dans le récent déferlement d'actualité juridique, la Direction de la Sécurité sociale (DSS) a fait œuvre d'originalité en commentant le décret du 30 décembre deux jours avant sa parution. Mais les positions de l'administration sont suffisamment significatives pour que l'on ne s'attarde pas davantage sur le procédé.

La DSS a recours à dix « questions/réponses » portées dans un courrier adressé à l'ACOSS. Il ne s'agit pas d'une circulaire publiée et juridiquement opposable aux URSSAF, quand bien même on imagine mal les inspecteurs ne pas l'appliquer.

Distinction droit du travail / URSSAF - Les plus fins observateurs auront relevé que ce courrier fait mention autant du bureau 3C que du bureau 5B de la DSS. Pour paraphraser la chanson, cela est peut-être un détail pour vous, mais cela veut dire beaucoup, sous réserve de disposer de la traduction. Le « 5B » est en charge des questions relatives à la législation financière, c'est-à-dire, entre autres, aux modalités d'exonération du financement patronal. Le « 3C » traite des questions afférentes aux institutions de protection sociale complémentaire. Il en résulte que certaines réponses portent sur « l'exonération URSSAF » (que l'on comprend être rédigées par le « 5B ») et d'autres sur les règles de droit du travail relatives à la mise en œuvre de la généralisation (rédigées par le « 3C »).

Cette dichotomie entre l'approche « urssafienne » et celle « travailliste » est essentielle dans l'analyse du dispositif et de son interprétation par l'administration.

Cela est particulièrement bien illustré par le « Q/R 1 », selon lequel le non respect des modalités d'application de la généralisation ne peut pas constituer un motif de redressement par les URSSAF mais « relève du champ de compétence de l'administration du travail et du juge prud'homal ». Cette position, conforme à la lettre des textes d'exonération, est sensible, l'article L.911-7 du Code de la Sécurité sociale régissant la généralisation faisant encore l'objet d'interprétations divergentes. A titre d'exemple, nous avons vu qu'il exige, depuis sa refonte par la LFSS 2016, que l'employeur prenne en charge la moitié du financement des « couvertures collectives à adhésion obligatoire des salariés ». Or, la DSS considère (« Q/R 7 ») que lorsque la couverture des ayants droit est obligatoire, le financement les concernant est également concerné par cette prise en charge minimale. Une telle approche peut se discuter, la loi faisant mention de la seule couverture des « salariés ». Dans ces circonstances, certains employeurs, contraints économiquement, décideront, peut-être, qui sait, de maintenir leur pratique antérieure consistant à financer moins de la moitié de la couverture obligatoire des ayants droit, s'il existe un consensus dans l'entreprise sur cette façon de faire, en sachant qu'il n'y a pas de risque de redressement à ce sujet.

 

Mutuelle santé entreprise : quelles sont les dispenses de droit ?

 

Le « Q/R 2 » énumère les dispenses de droit, en rappelant qu'elles peuvent être sollicitées « y compris dans le silence de l'acte juridique mettant en place le régime de frais de santé ». Mentionnant les cas de couverture par ailleurs, y compris en tant qu'ayants droit, la DSS n'évoque nullement la précision portée dans l'article D.911-2 CSS afférente « aux prestations servies au titre d'un autre emploi », ce qui pose la question, par exemple, du salarié relevant du régime local d'Alsace-Moselle, qui ne travaille que pour un seul employeur. A la lettre du texte, il ne peut se prévaloir de la dispense, ce que n'a nullement relevé la DSS, mentionnant ce cas de dispense parmi les autres, sans distinction. 

Dans le « Q/R 3 », la DSS indique que les dispenses de droit peuvent faire l'objet d'une déclaration sur l'honneur actant de l'existence d'une couverture par ailleurs. Elle annonce la publication toute prochaine d'un formulaire type, qui contiendra les informations nécessaires à l'exercice de ce choix. Le recours à ce formulaire n'aura, de prime abord, rien d'obligatoire, quand bien même on imagine qu'il sera largement utilisé. La DSS ajoute que le salarié doit indiquer la nature de la dispense sollicitée, la dénomination de l'organisme assureur, en précisant, ce qui est loin d'être neutre, qu'il « n'y a pas lieu de prévoir la production d'autres pièces ou justificatifs ». Voilà qui est dit.

Rappel de la doctrine antérieure - Les « Q/R 4 », « Q/R 5 » et « Q/R 6 » sont des rappels de positions antérieures sur, respectivement, les couples dans l'entreprise, le traitement des suspensions de contrat de travail et le financement du régime par le comité d'entreprise.

 

Mutuelle entreprise : Période transitoire des contrats responsables

 

On sait que la loi permet de retarder l'application des nouvelles conditions des « contrats responsables » pour les régimes d'entreprise dont l'acte de formalisation a été conclu avant le 9 août 2014. Cette période transitoire court jusqu'au 31 décembre 2017, sauf si l'acte est modifié auparavant. Le « Q/R 8 » livre une analyse mentionnant, sans distinction, que les « modifications de l'acte juridique ne portant pas sur les garanties ne font pas perdre le bénéfice de la période transitoire », en évoquant les modifications effectuées pour mettre en œuvre la généralisation de la complémentaire santé. Il est pris comme exemple, notamment, la suppression d'une éventuelle clause d'ancienneté ou la mise en œuvre du financement 50/50. On comprend donc que seules les modifications portant sur les garanties sont, pour la DSS, une cause de sortie de la période transitoire. Cela est bien noté, tout spécialement pour les régimes issus d'actes qui ne régissent que le financement de la couverture.

Versement santé - Le « Q/R 9 » rappelle les termes de l'article L242-1 CSS, selon lequel le versement santé partage le même traitement social que la contribution patronale usuelle (exonération sous plafond de cotisations de Sécurité sociale, assujettissement à CSG/CRDS et, le cas échéant, au forfait social).

Le « Q/R 10 » livre des exemples de calcul, lesquels mettent en évidence la particulière complexité du dispositif. A ce titre, la DSS livre, une nouvelle fois après la circulaire du 30 janvier 2015, un appel à l'indulgence des URSSAF, en écrivant que pendant la phase d'appropriation de la réforme, les « organismes de recouvrement respecteront des consignes de souplesse et de bienveillance dans les contrôles », en s'attachant, notamment, « à ne pas procéder à des régularisations en cas de calcul erroné des contributions versées au cours des six premiers mois de l'année 2016 ».

Ironie de la chose, le troisième exemple proposé comporte une coquille ! De là à dire qu'elle a été portée volontairement pour illustrer les difficultés d'appropriation... A tout le moins, cela décomplexera ceux qui suent sang et eau pour tenter d'assimiler cette débauche de réforme.

D'ailleurs, cette référence à la complexité du dispositif présente pour l'auteur de ces lignes un intérêt, celui de lui servir un motif de bon, sincère et ambitieux vœu pour la nouvelle année 2016 : arriver à intégrer et appliquer correctement toutes ces nouvelles règles !

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